01/10/2014

Brève de lecture - mythes et misogynie

La misogynie ne date pas d'hier, on le sait, mais je suis toujours complètement stupéfaite quand je m'aperçois à quel point elle est ancrée dans notre culture.
Exemple: je lisais la semaine dernière Hippolyte, de Robert Garnier, la tragédie de Phèdre (datant du XVIe, soit un siècle avant celle de Racine pour les intéressés).
Dans cette tragédie, l'auteur revient de nombreuses fois sur le fait que la "race" -comprendre le nom, la lignée- de Phèdre est maudite, parce que sa mère a commis le crime horrible de coucher avec un taureau et d'enfanter ensuite d'un monstre, Minotaure, mi-homme mi-taureau. Phèdre et Pasiphaé sont donc traitées comme des moins que rien, des traînées monstrueuses et le crime de Phèdre lui-même (aimer son beau-fils) est quasiment justifié par le crime de sa mère que je viens de décrire.
Bon. Soit. On est d'accord, ce sont des mythes. Et on parle de l'Antiquité, et du XVIe siècle. Bon, je me dis. Ok, coucher avec un taureau, c'est quand même hyper louche et potentiellement choquant. On peut comprendre que Pasiphaé soit montrée du doigt. Des siècles durant. Ok, ok.
Mais comme je cherchais justement des précisions sur ces mythes, parce que franchement je m'embrouille complètement avec toutes leurs lignées à rallonge et leurs noms qui varient selon les époques, je tombe des nues en découvrant que ladite Pasiphaé couche avec le taureau A CAUSE d'une malédiction du dieu Poséidon qui cherchait à travers elle, à punir qui, qui, qui ??? mais SON MARI bien sûr.
Donc pour conclure, cette pauvre Pasiphaé est contrainte par un dieu tyrannique à copuler avec un taureau parce que son minable de mari ne plaît pas aux dieux. Et c'est elle le monstre....
Et y a pas un auteur qui va avoir un jour l'idée brillante de rendre justice à cette pauvre fille ? (Ok c'est de la littérature, ok je me calme, mais si on ne remet pas les choses à leur place, au moins dans la fiction, ça paraît difficile de les remettre en place dans la réalité. Quand on sait comment on est influencé par les représentations en tout genre...) 




Pasiphaé, de André Masson, 1937 

Et pour la petite histoire, Pasiphaé (en grec ancien celle qui brille pour tous) copule avec le taureau par un curieux stratagème : Dédale (inventeur et architecte) crée pour l'occasion une vache de bois montée sur roulettes, dans laquelle Pasiphaé se cache et que le taureau va donc monter... 
(Et son mari n'est autre que Minos, roi de Crète, avec qui elle aura une ribambelle d'enfants, dont Phèdre et Ariane, entre autres.)



 (Je ne connais pas l'artiste.)

Au fait, si je me méprends, et que quelqu'un a eu l'heureuse idée de rétablir la vérité de manière plus élégante que la mienne à travers un bouquin, je suis preneuse !


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