20/03/2014

Littéraphisme

(( Article paru dans le 3petitspoints de mars. ))

Il faudrait sans doute inventer un terme, et peut-être existe-t-il déjà, mais je ne le connais pas. Inventer un mot qui désignerait cette nouvelle littérature qui mélange écriture et graphisme. Peut-être littéraphisme ? Peut-être graphiture ? En tout cas il faudrait que ce mot sonne bien, qu'il soit imagé et qu'il en dise beaucoup en très peu de signes.

Le littéraphisme donc, c'est l'exercice de style auxquels se prêtent des artistes de plus en plus nombreux, héritiers de la micro-nouvelle, puis de la twittérature, qui allient un aspect graphique à des phrases ou segments de phrases, recréant en quelques mots une histoire, une situation, un paysage social. La forme ultra concise doit délivrer un message, être percutante voire choquante.
Et la forme visuelle quant à elle permet d'identifier le littéraphiste, chacun ayant ses couleurs, ses formes, sa police, bref son style.

Petit tour d'horizon non-exhaustif de ces fables contemporaines...

Adieu et à demain nous parle d'amour souvent impossible, de mélancolie acidulée d'un brin de cynisme, créant des antagonismes et des jeux de mots 2.0. Benjamin et Isidor Juveneton (les types louches et légèrement shizos qui se cachent derrière cet univers aigre-doux) associent souvent photos, fragments de dialogues, définitions redéfinies, pour questionner l'amour et le monde. Artistes aux multiples facettes donc !



Les Cartons, quant à eux, sont plus provocants, souvent graveleux. Le mystérieux Monsieur Lagarce réinvente pour nous ravir des insultes et des formules qui aurait fait frémir les Onze mille verges d'Appolinaire, le tout en larges lettres blanches sur fonds colorés, parfois l'inverse. Si l'on grimace parfois face à ses « Éponge à foutre », on ne peut malgré tout s'empêcher de rire et de trouver qu'au milieu de toute cette pornographie virtuelle, il y a pas mal de perles. Âmes sensibles s'abstenir ! 



Pour les plus délicats on peut recommander Formule140, dont la singularité graphique repose sur une écriture manuscrite à l'encre noire -genre BIC- qui vient marquer des mouchoirs en papier blancs. Ici l'auteur interroge le lecteur, révèle des oppositions, des questions existentielles par le biais d'un jeu sur les mots, les sonorités, l'orthographe. Regard aigüe et tendre sur notre monde contemporain comme en témoigne ses « Shopping, cueillette des temps modernes » ou « Je rêve d'une licence en géographie de ton corps ». 



Et pour finir, on ne peut oublier les inénarrables Paye ta shnek, en bleu, rose et blanc, qui rapportent telles quelles les « tentatives de séduction en milieu urbain ». Ici la création n'est pas dans ce qui est écrit (quoique parfois...!), mais dans le fait d'écrire, de retranscrire ces phrases entendues dans la rue. Entre militantisme contre le harcèlement de rue, et regard goguenard sur l'absurdité des propos rapportés, Paye ta shnek nous offre une dose d'humour et de surprise effarée à chacune de ces nouvelles tentatives : ça peut pas exister des types qui disent ça ! Si ça existe, et en plus ils sont nombreux vue la multiplicité de ces courtoisies contemporaines. 


Si ces nouvelles formes d’expression sont nées sur Internet, le succès de certains artistes est tel que des livres, compilant leurs créations trouvent à se faire éditer et que l’on peut se les procurer non pas en e-book mais bien en version papier, dans la plupart des librairies. C’est en tout cas possible pour notre dernier exemple, Paye ta shnek, et Adieu et à demain proposent quant à eux leurs produits à la vente, histoire de donner une petite touche piquante aux murs de nos chez-nous. 

Pour en savoir plus et suivre ces artistes, pas de soucis, ils sont bien sûr ultra connectés. Vous pouvez les retrouvez sur les réseaux sociaux ou sur leurs sites : 
Adieu et à demain
Les Cartons
Formule140
& Paye ta shnek !



10/03/2014

Collaboration Marie Hochhaus & Elsa Klever

((Article paru dans le 3petitspoints de mars.))

L'une est photographe, l'autre illustratrice et toutes les deux vivent à Hamburg. La rencontre entre leurs deux univers révèle un monde plein de sensibilité, drôle et onirique.



Marie Hochhaus, qui place les modèles, toujours féminins, au centre de son travail, livre à travers chaque photographie une vision du monde à la limite entre le réel et le rêve, entre la femme et l'enfant, entre la nature sauvage et une esthétique très maîtrisée de celle-ci.

De son côté, l'illustratrice Elsa Klever est reconnaissable par son travail sur les couleurs qui paraissent en mouvement, sur les formes rondes, généreuses de ses personnages, sans compter l'imagination fertile dont sont empruntes toutes ses illustrations.

Toutes les deux reconnues dans leur domaine respectif, les voilà qui s'associent, le temps d'une série de « tableaux » dont le personnage central, féminin se retrouve entraîné dans un monde parallèle grâce à l'apparition d'animaux fantasques et de lumières surnaturelles. Renards, ours, pois multicolores, serpents et petits bonshommes s'invitent aux côtés de grandes blondes aux allures évanescentes, friponnes ou caractérielles.



On reconnaît le travail de la photographe, au plus près de ses modèles, et la douceur des couleurs, la beauté des mises en scène, la fantaisie des illustrations créent un ensemble qui nous laisse complètement rêveur, qui attire souvent et questionne parfois celui qui regarde, extérieur à cet univers magique dans lequel nous pourrions tous vouloir nous glisser. 



Restes d'enfance et mystère des imaginaires, la collaboration d'Elsa Klever et Marie Hochhaus dessille nos pupilles, nous amène à la lisière de minuscules forêts intimes et nous fait même toucher du bout des doigts les arts tribaux du masque et du tatouage, dans une atmosphère baignée d'adolescence édulcorée.


Beauté, rêve, lumière et douceur, questionnement sur l'imaginaire et la féminité, que demander de plus ?
Peut-être en demander plus, justement !
On suit ça de près, si par chance ça devait arriver !